world gone mad. (anil&bens)

L'atmosphère était déjà pesante, ce jour-là. Ce jour-là, c'était le verdict de plusieurs mois de travail acharné. Des nuits blanches, de cauchemars quand elle trouvait le sommeil. Alice n'était clairement plus elle-même, ces derniers mois. Elle avait trop de choses en tête. L'envie, le besoin, de gagner... Et cela plus que jamais. Elle a enchaîné les cigarettes avant de finalement entrer dans le tribunal. Là où elle joue la vie d'un homme. C'est beaucoup de pression. Et d'autant plus dans cette histoire. Son client, Anil, il est innocent. Elle en a la certitude depuis le début. Elle a souvent gagné, elle le peut sûrement aussi pour lui. Elle y va, presque confiante. Elle retrouve son client, sans trembler. Elle lui parle un peu, se veut rassurante. Autant qu'elle peut l'être dans cet endroit qui sent la justice et l'injustice à la fois. Elle jette un œil derrière elle. Il y a quelques témoins, pour parler en la faveur d'Anil. D'autres qui sont contre. Elle a peur de ceux-là... Qu'ils fassent pencher la balance du mauvais côté. Elle est tendue, Alice, plus que jamais. Tout se déroule comme d'habitude, pour le moment. Les témoins se succèdent à la barre. Tantôt c'est elle qui les interroge, tantôt son adversaire. Il est bon, l'avocat de la supposée victime. Mais elle peut être meilleure, n'est-ce pas ? Elle s'efforce de l'être, alors que ça lui semblait si naturel avant ça. Elle avait l'impression d'être faite pour ça. Là, elle ne sait plus bien sur quel pied danser, trop envahie par les doutes. À chaque fois qu'elle retourne à sa place, derrière le bureau de bois qu'elle partage avec son ami Bens et son client, elle souffle sans trop le montrer. Alice n'a probablement jamais eu aussi peur de perdre. Le verdict tombera bientôt, peut-être avec autant de violence qu'une guillotine. Sur un homme innocent, mais aussi sur sa carrière... Brillante jusque-là.

quelques heures, seulement. quelques heures durant lesquelles se joueraient des mois de travail intensif, des nuits sans sommeil et surtout le destin d'un innocent. et dans les mains de ces douze inconnus se trouvaient les cartes de sa vie, celle d'anil qui plaidait non coupable. anil, pas vraiment son client, dont l'innocence - bien qu'évidence à son propre regard - restait à démontrer à l'opinion publique. ces mères, ces frères, ces oncles, ces filles. ces individus lambda qui ne voyaient que l'abjecte dans des prunelles assombries par la fatigue, qui s’écœuraient des accusations fantasques. mais dans son palpitant serré, bens sentait l'espoir gronder. l'appel de la victoire sur les lèvres d'alice, sa férocité de vaincre sur ses iris marqués. alice, au talent démesuré, à la confiance sans pareil pourtant ébranlée par les enjeux de cette audience. elle pouvait le faire, pour anil, pour elle, pour ses gamines coincées dans leurs mensonges. elle devait le faire. bens, il assistait à l'audience derrière l'ébène qu'il caressait sans cesse de nervosité. parce qu'il fallait que ça marche, parce qu'il était hors de question que cet homme termine derrière les barreaux. bens, c'était pas son affaire et pourtant il s'était engoué. de la ferveur de son amie, de cet homme derrière les lunettes noires. il s'était donné corps et âme pour que tout se passe bien aujourd'hui. pour que justice soit rendue et qu'un innocent puisse rentrer chez lui sereinement. entre deux interrogatoire il murmurait quelques mots à l'oreille d'alice, puis à celle d'anil. tantôt conseillé, tantôt intermédiaire. bens qui se voulait encourageant alors que le doute sommeille. parce que qui croirait un homme prénommé anil neftet quand le monde ne demande qu'à pleurer ces pauvres gamines salies dans leur vertu.

exquis nectar ignoré de tous, la liberté semble acide, ce jour-là, presque horrible tant elle revient en vagues et s’éclate contre sa petite personne. elle l’appelle d’un cri si assourdissant qu’il semble loin, à présent. il n’entend plus les hurlements des chiens qui se mordent le bout du nez pour une sentence injustifiée. un affreux concours de qui aura la plus imposante, la plus alléchante, celle qui frappera le plus fort l’accusé accablé des regards pernicieux d’une audience pendues aux lippes qui se meuvent en mots durs. il est fébrile, sa semelle tapote frénétiquement le sol carrelé rythmé par l’angoisse qui lui court la poitrine et opprime son myocarde au bord de la rupture. les esquilles en grondements s’entrechoquent, tandis que son regard file sur les visages fermés de ces âmes salvatrices à l’éclat terriblement fatigué. les traits sont tirés, les cernes en fossés parsèment les minois de ses deux avocats un poil éreintés. la rencontre entre le marteau du président et son socle parfaitement dépoussiéré lui arrache un frisson, l’heure est à la délibération. il ne parle pas, anil, il glisse hors de la salle, hors de ces  murs, de ces remparts infernaux qu’il n’a cessé de scruter d’un œil mauvais. il rase les corridors, rat répugné de la société que l’on aimerait étouffer pour ses gestes déplacés. les rayons de la belle ambrée transpercent les vitres et  lui effleurent la chair, délicates caresses qu’il voudrait sans fin. « le verdict, vous pensez qu’il sera bon ? » il espère le garçon, il espère silencieusement pour ne pas que le destin, fourbe, vienne à lui en poignards meurtriers.

Ici, elle vibre à chaque fois qu'elle pose le pied sur le parquet. Elle aime se trouver en ces lieux, mais aujourd'hui... Elle a le sentiment que la vie d'un homme se joue, encore plus que les fois précédentes... Que sa carrière est également en jeu. Ça fait beaucoup. Une pression énorme sur les épaules qu'elle ne sait pas bien comment gérer. Son ami Bens, qui l'a également aidée sur cette affaire, est présent. Un ami loyal, dans un moment où elle n'a aucune idée de si la délibération sera en leur faveur. Elle tremblerait presque, la brune qui d'habitude, n'a peur de rien. Elle ne se laisse jamais impressionner, mais là, elle voit Anil comme un petit être dans les mains d'un géant qui décidera de son destin... Elle se tourne un peu, vers son ami. Il faut que ça sorte, comme si ça pouvait faire que ce qui lui serre le ventre, s'en aille en claquant des doigts. « J'ai peur, Bens... » lui souffle-t-elle, sans qu'Anil ne puisse l'entendre. Et puis, elle se redresse, suit le jeune homme qui doit être aussi tétanisé qu'elle. Elle ne parle pas, bien trop préoccupée par des dizaines de pensées qui se bousculent dans son esprit. Elle veut gagner, le sortir de là. Elle ne supporterait pas un échec, pas habituée à perdre. Parce qu'elle est douée, la brune. Elle a ça dans le sang, n'en a jamais douté. Elle tente de ne pas douter davantage aujourd'hui, mais c'est difficile. Ses traits sont tirés, si bien que son maquillage peine à cacher les traces de fatigue. Anil s'adresse à eux, qui évidemment, espère que le verdict sera bon. « Je ne sais pas, je l'espère... » murmure-t-elle. Et puis, elle regarde son ami, Bens. Du regard, elle le supplie presque de rassurer Anil parce qu'elle n'en est pas capable... Et en même temps, ils ne peuvent pas lui garantir. Ils ne peuvent pas lui mentir en lui faisant espérer que ce sera forcément bon.